Le temps est venu de réguler Facebook

La révélation selon laquelle Cambridge Analytica a exploité les données de 50 millions de profils Facebook pour cibler les électeurs américains est en effet effrayante. Mais Cambridge Analytica ne devrait pas servir à détourner l’attention du vrai méchant dans cette histoire : Facebook. Il est déconcertant de constater que Mark Zuckerberg est invité à donner des conférences à Harvard sans être traité avec le scepticisme qui s’impose, alors que son entreprise contrôle la circulation de l’information auprès de milliards d’êtres humains, encourage certaines habitudes d’achat et opinions et surveille les interactions des gens.

Nous avons maintenant atteint le point où une société privée qui n’a pas de comptes à rendre détient des données détaillées sur plus d’un quart de la population mondiale. Zuckerberg et sa société évitent toute responsabilité depuis un certain temps. Partout dans le monde, les gouvernements doivent prendre au sérieux leur façon de traiter Facebook.

Après que des trolls ont été envoyés en prison pour avoir envoyé des messages de menaces à la militante Caroline Criado-Perez et à la députée Stella Creasy, un débat a eu lieu sur la question de savoir si Facebook et Twitter devaient être classés comme des plateformes de partage ou des éditeurs. Facebook est traité comme s’il n’était qu’un simple canal d’information, ce qui signifie qu’il n’est pas responsable du contenu que ses utilisateurs partagent – de la même manière qu’Orange ne peut être poursuivi en justice lorsque des personnes font des appels téléphoniques menaçants.

Femme seule face à son ordinateur

En 2014, Iain MacKenzie, un porte-parole de Facebook, a déclaré : ” Chaque élément de contenu sur Facebook peut-être signalé, ce qui le transmet à votre équipe des opérations des utilisateurs pour examen. De plus, les individus peuvent bloquer toute personne qui les harcèle, s’assurant ainsi qu’ils seront incapables d’interagir davantage avec eux. Facebook s’attaque aux comportements malveillants grâce à une combinaison de mécanismes sociaux et de solutions technologiques adaptées à une utilisation en ligne à grande échelle.”

Mais l’entreprise est évasive quant au nombre de modérateurs qu’elle emploie, à leur mode de fonctionnement et à la manière dont les décisions sont prises. Elle a commencé à adopter une position plus ferme sur le contenu d’extrême-droite – en retirant récemment les pages ouvertement néo-nazis du site – mais elle résiste encore à de nombreuses tentatives législatives visant à réglementer son contenu. Ce que les utilisateurs de contenu voient ensuite est décidé par un algorithme qui peut changer sans la moindre consultation, y compris celui du gouvernement ou des entreprises qui dépendent de Facebook pour leurs revenus – ce qui signifie que certains peuvent être rapidement effacés de la carte. L’impact de la domination de Facebook signifie que les publications s’efforcent constamment de suivre l’évolution de la stratégie de la plateforme. Le rédacteur en chef de Wired, Nick Thompson, a récemment déclaré qu’il avait une crainte : “Facebook a un interrupteur quelque part qui peut être tourné pour couper les médias qui devienne trop anticonformistes“.

Facebook crée l’addiction

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On a beaucoup parlé du fait que Facebook crée des “bulles filtrantes”. Il a été critiqué pour avoir donné la priorité aux contenus qui plairont aux utilisateurs – ce qui signifie qu’il y a moins de diversité dans les nouvelles que les gens lisent – et pour ne pas avoir réussi à réprimer la propagande. En fait, la nouvelle star italienne d’extrême droite Matteo Salvini a explicitement remercié Facebook pour sa contribution aux récents résultats électoraux du pays.

Même si nous voulons éviter le site et protéger nos données, ce n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire. Selon Roger McNamee, l’un des premiers investisseurs de Facebook, l’entreprise utilise des techniques de propagande et de jeu de casino pour favoriser la dépendance psychologique de ses utilisateurs – comme les notifications constantes et les récompenses variables.

En nous gardant accros, Facebook est capable de récupérer une énorme quantité de données sur nous. Ce qui est surprenant et inquiétant, c’est que Facebook dispose de données dérivées – les profils qu’il peut construire de ses utilisateurs sur la base d’informations apparemment inoffensives. L’auteur du livre Networks of Control, Wolfie Christl, a noté qu’un brevet publié par Facebook calcule le temps de trajet des gens en utilisant les données de localisation des applications mobiles. Il utilise ensuite ces données et d’autres pour séparer les utilisateurs en classes sociales.

L’énorme réserve de données de Facebook va de pair avec l’acquisition de concurrents. Nick Srnicek, auteur de Platform Capitalism, déclare : “Facebook agit comme un monopole classique : il achète des concurrents comme Instagram, il copie ouvertement des concurrents comme Snapchat, et il a même sa propre application, Onavo, qui surveille les applications potentiellement dangereuse pour lui. Tout cela est combiné avec un balayage incontrôlable de nos données qui est utilisé pour construire une forteresse impénétrable autour de l’entreprise.”

Si Total ou Monsanto tentait de s’insérer dans tous les éléments de notre vie de cette manière, il y aurait sûrement un mouvement populaire concerté pour limiter leur influence. Il est peut-être temps de commencer à traiter Facebook comme la multinationale géante qu’elle est – surtout parce que les personnes ayant un profil Facebook ne sont pas les clients de l’entreprise : elles sont le produit qu’elle vend aux annonceurs.

1 thought on “Le temps est venu de réguler Facebook”

  1. J’avais lu un truc sur ça dans Science et Vie Junior : je trouve que ça fait très peur. Au fil des années, sur les réseaux sociaux, l’écart entre la vie privée et les réseaux sociaux s’amincit.

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